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17/04/12Le « complexe chinois » et les valeurs européennesParadoxalement, les peuples de ce que j’ai appelé le « complexe chinois » sont d’une certaine façon plus ouverts aux valeurs dites occidentales. Historiquement, cela commence avec la République de Chine aujourd’hui réduite à Taiwan et quelques îles. Son système politique est construit sur la base des « trois principes du peuple » édictés par Sun Yat Sen : démocratie, nationalisme et souci du peuple. Les structures de gouvernement, très originales, sont adaptées au respect de ces principes, notamment de démocratie. Quant aux droits de l’homme, leur application a progressé depuis l’abrogation de la loi martiale. Après les révolutionnaires nationalistes, les communistes chinois et vietnamiens se sont à leur tour entichés de valeurs prônées par leurs camarades européens, notamment de la notion de démocratie. Le moins que l’on puisse dire est que l’interprétation qu’ils en donnent est parfois fort discutable (le pouvoir du peuple, traduction littérale du mot « démocratie », est incarné par le parti) mais plusieurs générations ont déjà été éduquées dans l’idée que ce principe est sacré. Les droits de l’homme, eux aussi, sont interprétés de façon fort restrictive : ne doivent-ils pas s’incliner devant les droits du peuple ? Quant au communisme nord-coréen, implanté par les Soviétiques, il ne laisse nulle place à la démocratie mais continue à en proclamer le principe. Le Japon, lui, s’est vu imposer son système de gouvernement par son vainqueur soucieux d’abord de lui interdire un retour en puissance, ensuite de faire de lui son allié face au communisme asiatique. Si les valeurs qu’il professe lui ont été dictées par plus fort que lui, il s’en est trouvé bien jusqu’ici, le choc de la défaite ayant imprimé dans les esprits les convictions pacifistes et l’expansion économique suffisant à satisfaire l’orgueil national. Cet état d’esprit demeure néanmoins précaire et la crise socio-économique que traverse le pays pourrait déboucher sur un retour des valeurs traditionnelles et un rejet de tout ce qui pourrait paraître américain. Quant à la Corée du Sud, elle doit trop aux États-Unis pour oser avancer des idées philosophiques et culturelles qui ne seraient pas politiquement correctes. Pourtant, par-delà la crise actuelle, ne serait-ce que par la banqueroute économique du Nord, la Corée va tôt ou tard être réunifiée. Le coût du redressement économique du Nord sera beaucoup trop lourd pour Séoul et c’est ce que l’on appelle « la communauté internationale », autrement dit l’Occident, qui en supportera le poids. Est-ce à dire que les valeurs occidentales fleuriront dans la Corée réunifiée ? Rien n’est moins sûr : certes, les Nord-Coréens béniront un temps leurs généreux donateurs, mais un sentiment national dans ce pays déchiré ne pourra sans doute se développer qu’autour des valeurs traditionnelles. Ainsi, paradoxalement, il se pourrait que les pays actuellement les plus intimement liés aux États-Unis deviennent demain les porte-drapeaux d’une civilisation extrême-orientale, celle du « complexe chinois », face au modèle de civilisation américain. |