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Page mise à jour 16/04/12Islam et sentiment identitaire en MalaisieLe nom de Malaisie n'est apparu qu'en 1963 lorsque le Sabah et le Sarawak, devenus indépendants, acceptèrent de rejoindre d'Union malaise formée en 1957 par les anciens protectorats anglais de la péninsule et les anciennes colonies britanniques de Malacca, Penang et Singapour. Brunei, riche de ses énormes réserves de pétrole, a refusé de s'y joindre. Singapour, trop chinoise pour se satisfaire d'une fédération à majorité malaise et se singularisant par son dynamisme économique, s'est séparée en 1965. La Malaisie, est une fédération de treize États et trois districts fédéraux. Neuf de ces États sont les monarchies de la péninsule (sept dirigés par un sultan, un autre par un besar et un dernier par un raja), les quatre autres les anciennes colonies britanniques dirigées par un gouverneur et un premier ministre. L’islam a été introduit dès le début du XVIème s. dans l’actuelle Malaisie. Le substrat culturel et religieux sur lequel il s’est développé était différent de celui de l’Insulinde : l’hindouisme y était peu développé et les Chinois tenaient de nombreux comptoirs de commerce sur les côtes de la presqu’île de Malacca. Par ailleurs, la colonisation britannique a favorisé l’immigration en grand nombre d’Indiens qui s’ajoutèrent aux Chinois déjà présents, au point que, sur une population d'un peu plus de 25 millions, les Malais ne représentent plus que 62% contre 25% de Chinois (taoïstes ou bouddhistes) et 10% d’Indiens (hindous ou chrétiens). Il s’en ensuit un nationalisme identitaire assez fort s’appuyant sur l’islam. Être musulman, c’est être Malais. Notons par ailleurs qu’il y a davantage de Malais en Indonésie qu’en Malaisie (20 millions contre moins de 16 millions), habitant sur la côte est de Sumatra et dans la partie indonésienne de Bornéo. La Malaisie n’a pas eu son Sukarno lors de l’occupation japonaise : nul n’a été en mesure d’unir les mouvements de résistance pour bâtir un État malaisien après 1945. Les maquis communistes ont donc poursuivi contre les Britanniques puis contre le gouvernement de Kuala Lumpur une longue guérilla qui n’a pris fin que dans le début des années 1960. Comme en Indonésie, les Chinois étaient nombreux et influents au sein de ces maquis, leur intérêt étant de déstabiliser la fragile majorité malaise. Cela ne leur a jamais été pardonné par les Malais et a entraîné des émeutes raciales sporadiques comparables à celles de l’Indonésie. Pour autant, la solidarité musulmane n’est jamais allée jusqu’à une bonne entente avec l’Indonésie voisine, bien loin de là. Profitant de la guérilla communiste, le grand voisin qui édifiait son immense État chercha à s’emparer des sultanats malais. S’ensuivit une guerre qui ne prit fin qu’en 1966. Si l’islam sunnite est religion officielle en Malaisie, l’État peut encore moins qu’en Indonésie être qualifié d’islamiste : c’est une monarchie constitutionnelle dont le roi (Yang di-Pertuan Agong), un des 9 monarques, est élu pour 5 ans par les monarques et gouverneurs des 13 États. Le Parlement est composé d'une Chambre des Représentants (185 députés élus au suffrage universel) et d'un Sénat (69 sénateurs dont 43 nommés par le roi et 26 par les Assemblées législatives des Etats). Le pouvoir exécutif est assumé par un Conseil des ministres présidé par un Premier ministre. Chaque État dispose d’une constitution, d’une Assemblée parlementaire et d’un Conseil exécutif. Enfin, le système législatif ne repose pas sur la charia. Contrôlant avec l’Indonésie et Singapour le détroit de Malacca, la Malaisie reste un pays important aux yeux des Occidentaux. Aussi joue-t-elle une politique d’équilibre entre le monde musulman et l’Occident. Sa relative prospérité repose autant sur les investissements des pays du Moyen-Orient que sur son appartenance au Commonwealth (ce qui ne l'empêche pas d'être membre du Mouvement des Non-alignés) et sur le dynamisme des diasporas chinoise et indienne. Il n’est guère de pays où l’islam ne connaisse pas des dérives radicales. La Malaisie ne fait pas exception et ces groupes extrémistes sont soupçonnés, probablement à juste titre, de fournir un abri aux terroristes islamistes. L’organisation indonésienne Jemaah Islamiyah, dont l’objectif est de rassembles tous les musulmans du Sud-Est Asiatique dans un État islamique, est implanté en Malaisie où de nombreuses arrestations ont été opérées depuis 2002. Le pouvoir malaisien coopère avec les Occidentaux dans la recherche des terroristes. Cela crée un malaise dans la société malaisienne : jusqu’en septembre 2001, l’Occident vilipendait le gouvernement malaisien pour les arrestations arbitraires d’islamistes, à présent les Américains lui reprochent de ne pas en faire assez. Par ailleurs, le gouvernement, incapable de démêler quelles écoles coraniques (elles sont au nombre de 500, pour la plupart de niveau primaire) appliquent le programme officiel et lesquelles endoctrinent les élèves contre l’obéissance au pouvoir laïque, a suspendu en novembre 2002 les subventions à toutes ces écoles. Que devons-nous en conclure ? La situation géopolitique de l’islam dans la région qui nous intéresse n’est pas homogène. Deux pays voisins, tous deux à majorité musulmane, connaissent un développement politique et économique différent et sont rivaux, voire ennemis. L’un a pris, pendant la guerre froide, la voie du non-alignement tandis que l’autre était fidèle au camp occidental. Il n’en reste pas moins une communauté de valeurs constituant incontestablement une civilisation. |