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17/04/12Une civilisation océanienne ?Pour plus d'informations sur la géopolitique de l'Océanie, lire l'article du COL (ER) Alain Litzellmann publié dans le N° 14 de la revue "Questions internationales" : "Géopolitique du Pacifique". Il nous manque un acteur : la population du Pacifique lui-même. Cet océan diffère de l’océan Indien et encore plus de l’océan Atlantique non seulement par son immensité mais aussi par le fait que cette immensité, au premier regard vide de toute terre, est en réalité parsemée d’îles dont beaucoup sont habitées. Des peuplements différentsEn principe, l’Océanie inclut la Nouvelle Zélande. Nous ne considérerons que la Mélanésie, la Micronésie et la Polynésie en incluant dans cette dernière les populations maorie et polynésiennes. Cet ensemble représente une population globale de près de 6,5 millions d’âmes dont 4,1 millions pour la seule Papouasie-Nouvelle Guinée (où la densité de population est pourtant faible), 1,1 million pour Hawaï et 800.000 pour les Fidji. Cela laisse seulement 500.000 habitants concentrés dans des îles réparties à travers des immensités colossales : un désert aquatique dont les oasis sont des îles et des atolls. Cette disparité dans les densités entraîne une migration du centre vers la périphérie (Nouvelle Calédonie, Australie et, à un moindre titre, Nouvelle-Zélande) et des petites îles vers les villes, qui restent de dimensions modestes mise à part Honolulu (365.000 h.). La moitié des 206.000 habitants de la Polynésie française habitent l’agglomération de Papeete. Il est possible de distinguer trois ensembles dans cette immense zone :
Des structures sociales différentesPar delà des ressemblances liées à un environnement commun, les structures sociales diffèrent entre ces groupes. En Papouasie et à Vanuatu, la société est organisée autour du Big Man dont le pouvoir est assis sur la richesse foncière et le nombre de porcs. Devant entretenir sa clientèle par des cadeaux, il s’y ruine et doit laisser la place à plus riche que lui. Dans les royaumes polynésiens, le pouvoir repose sur le cumul de droits fonciers justifiés par la généalogie, d’où des stratégies d’alliances familiales. Les affrontements sont réglés par des assemblées et le pouvoir du roi ou du chef est équilibré par celui des prêtres ou autres « maîtres de la terre » de qui dépend la fertilité des sols. Dans le système des noblesses kanakes, le pouvoir est organisé autour des titres fonciers, du droit d’aînesse et de relations d’assujettissement. Plusieurs clans peuvent occuper un même village, le plus ancien étant maître de la terre que ses ancêtres ont défrichée. Ensemble, les clans désignent un chef étranger à la communauté, qui a plus de devoirs que de droits et peut à tout moment être déposé. Des systèmes politiques différentsDu point de vue politique, ces peuples sont organisés en États dont le statut politique va de la souveraineté à l’intégration dans un autre État. Les États indépendants regroupent 94% de la population : Nouvelle-Zélande bien sûr, Papouasie-Nouvelle Guinée, îles Salomon… Des États insulaires sont associés à d’autres pays de la zone océanienne (Cook et Niue à la Nouvelle Zélande) ou aux États-Unis (Palau et les Mariannes). Ces États ont cédé à leur protecteur la politique extérieure et de sécurité contre le droit pour leurs habitants de résider sur le territoire de celui-ci. D’autres territoires ne bénéficient que d’une autonomie interne. C’est le cas de la Polynésie française, de la Nouvelle Calédonie et de Wallis et Futuna : les habitants en sont citoyens français et ils disposent d’assemblées territoriales. On peut assimiler à ce statut l’île de Guam, « territoire non incorporé des États-Unis », dont les habitants sont citoyens américains. Il existe encore des vestiges de la colonisation tels que Tokelau qui appartient à la Nouvelle-Zélande), Norfolk qui est australienne, l’île britannique de Pitcairn et l’atoll inhabité de Clipperton qui est sous juridiction française. Enfin, certaines îles sont « intégrées » à des États : Hawaï, 50ème État des États-Unis depuis 1950, et l’île de Pâques considérée par Chili comme une province extérieure. Des civilisations non autonomesOn le voit, il n’y a pas dans le Pacifique une civilisation mais plusieurs civilisations, celle qui rassemble le plus grand nombre étant la plus divisée. La plupart des États sont des micro-États à la limite de la viabilité économique et politique où sévissent la pauvreté et la vulnérabilité aux catastrophes naturelles. La domination des puissances qui interviennent dans la zone depuis sa périphérie ou depuis l’extérieur (France, Royaume-Uni) est déterminante du point de vue géopolitique. La Grande-Bretagne s’est retirée de la zone en 2005. Les États-Unis, en retrait en ce qui concerne le contrôle de la Micronésie et du Pacifique Nord, reviennent dans la zone sur le sujet du contrôle des flux maritimes. La Chine, Taiwan et le Japon exercent sur les États de la zone, dont la moitié reconnaissent Taiwan) des pressions diplomatiques. La France, avec la Nouvelle Calédonie, est au centre des deux sphères mélanésienne et polynésienne, y ménageant des ilots de prospérité. Les moyens navals qu’elle engage sont notables à l’échelle régionale : 3.200 hommes, huit navires dont deux frégates de surveillance. Ces moyens, en plus de la surveillance des ZEE françaises (les plus étendues de la zone), sont mis à la disposition des États pour effectuer des survols et des patrouilles maritimes. Par ailleurs, la France agit en faveur du développement et par des aides humanitaires. Pourtant, les enjeux maritimes du Pacifique sont limités : la zone est géographiquement excentrée, en marge des centres de développement et des routes maritimes, même si elle conserve des potentialités stratégiques comme les sites possibles de lancement d’engins spatiaux. Les ressources économiques sont difficilement exploitables : les habitants sont incapables de protéger eux-mêmes leurs ressources halieutiques et les autres ressources, comme le tourisme et les nodules polymétalliques, ne constituent encore que des potentialités. Le Pacifique n’en constitue pas moins un terrain d’application pour de nouveaux enjeux : l’écologie et le développement durable, la sécurité maritimes et la lutte contre les trafics (sea marshalling). |