17/04/12

Pertinence de modèle de Huntington ?

Nous le voyons, la civilisation du complexe chinois est en tous points éloignée de celle dite occidentale. Constitue-t-elle pour autant un bloc homogène susceptible de s’élever contre l’Occident ? De résister à un modèle de civilisation qui lui est étranger, certes oui, mais elle ignore le messianisme et n’est pas organisée autour de chefs religieux. Les risques de conflits existent bien mais ils proviennent de lignes de forces géopolitiques desquelles la religion et la civilisation en général sont absentes. L’idéologie même, opposant le communisme et les valeurs américaines fondées sur la démocratie, le libéralisme économique et les droits de l’homme, ne joue qu’un rôle secondaire.

Ces lignes de forces passent par le Pacifique du fait de la puissance américaine et des conflits d’intérêts qui opposent les deux rives de l’océan. Mais elles passent aussi entre la Chine et le Japon, ennemis ancestraux et rivaux pour l’obtention de la suprématie régionale. Elles passent entre les deux Chines, la tentation de Taipei de proclamer une république indépendante risquant de provoquer un conflit armé plaçant Washington dans une position délicate. Elles passent entre la Chine et le Vietnam, qui n’ont pas oublié leur conflit meurtrier et se disputent l’exploitation des ressources pétrolières de la mer de Chine méridionale. Elles passent entre les deux Corées devenues des protectorats des États-Unis et de la Chine et dont Pékin, tout en participant avec Washington aux efforts de réconciliation, est loin de souhaiter la réunification. Elles passent par le détroit de Malacca et la mer de Chine méridionale, voie d’approvisionnement en pétrole du Japon et, de plus en plus, de la Chine dont les besoins en énergie croissent de façon exponentielle.

La prédiction de Huntington d’un « Choc des civilisations » ne paraît donc pas devoir se vérifier pour ce qui concerne les rapports du monde sinisé et des Américains.