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Alfred Mahan (1840-1904) :le chantre de la puissance navaleNous voilà revenus à l’époque de Ratzel mais dans un contexte différent : celui de cette Amérique dont Ratzel, précisément, pressentait qu’elle supplanterait la Grande-Bretagne dans la domination des océans. Les États-Unis, en effet, étendaient leur emprise sur le Pacifique Nord et les Caraïbes : achat de l’Alaska en 1867, soutien de la révolte de Cuba contre les Espagnols en 1895, acquisition de Guam, de Porto Rico, de Hawaï et des Philippines à l’issue de la guerre contre l’Espagne en 1898, percement du canal de Panama et création de l’État panaméen à leur dévotion en 1901, ouverture du Canal en 1914. Amiral, Mahan a fait davantage œuvre d’historien de la stratégie navale que de soldat. On peut hésiter à le définir comme un géopoliticien ou un stratégiste : stratégiste, il l’a été indubitablement, proposant à son pays une stratégie fondée sur le sea power, la puissance maritime, mais ses thèses sont fondées sur une analyse géopolitique originale de la situation des États-Unis. Mise à part une somme gigantesque consacrée à l’analyse historique des guerres navales, son apport à la géopolitique tient dans un livre, « The Interests of America in Sea Power » (1897). Prédisant la domination mondiale des États-Unis grâce à la maîtrise des mers, il y exposait les trois impératifs de son pays dans la conquête de la puissance :
Dans ce but, il préconisait non seulement la conquête de points d’appui et de positions solides sur les détroits et les routes maritimes mais aussi la construction d’une flotte puissante apte à assurer au pays la maîtrise des mers. Il n’est pas inintéressant pour nous de rappeler que Mahan est l’inventeur de la notion de « péril jaune » qui fera florès plus tard : dans son esprit, la menace qui pesait à terme sur les intérêts américains était la montée de la puissance japonaise, et ce avant même les victoires japonaise sur la Russie à Port-Arthur et Tsushima. Il traduisait ainsi l’intérêt des Américains pour l’Asie et le souci de contrôler les communications maritimes dans le Pacifique, ainsi qu’une vision très claire des intérêts géopolitiques du Japon. Quelque cinquante ans plus tard, l’attaque japonaise sur Pearl Harbour lui donnerait raison. |