17/04/2012
Objets usuels, d'habitation, de travail
La
maison est représentée "en coupe", ce qui permet, dans des
compositions, d'y faire entrer d'autres éléments. Ce pictogramme a évolué,
dans le style dit des "petits sceaux", jusqu'à ressembler à une
cloche à melons . Cette forme est à l'origine
de l'élément ,
qui n'existe plus que dans des compositions, le plus souvent placé en partie
supérieure du caractère comme dans la "paix",
"famille", "trésor", parfois dans une position
intermédiaire comme dans "apprendre".
Ceci
est un couteau. Cela n'y fait guère penser ? Sans doute parce que nous ne
savons pas à quoi ressemblais un couteau voici 35 à 40 siècles. Ce sens est
avéré par la filiation du caractère ,
qui signifie précisément "couteau", et par sa présence dans de
nombreuses compositions où sa place s'explique par ce sens. Lorsqu'il est
placé à droite dans une composition comme "profit", cet élément a revêtu la forme
.
Demeurons
avec les accessoires de la cuisine et de la table. Si l'on vous dit que ceci est
une cuiller, vous chercherez dans quelle position on tient cet étrange
élément. Il s'agit pourtant bien d'une cuiller ou d'une louche, la
nature fluide de ce qu'elle sert à puiser étant indiquée par un point. Les
calligraphes sur bronze se sont montrés plus pratiques dans la représentation jinwen
. Ce n'est pas le cas des graveurs
de sceaux, friands de courbes et de parallèles, qui ont inventé la forme xiaozhuan
qui annonce la forme régulière
. Il est à
noter que ce caractère est utiliser aujourd'hui pour désigner... un cm3.
Chacun sait
que le mot français "volume" vient du latin volumen qui
désignait un rouleau de parchemin. Les Chinois de l'antiquité utilisaient
également des rouleaux pour consigner comptes, annales, écrits philosophiques,
registres de prisons, etc. Mais ces rouleaux étaient composés de baguettes de
bambou plates assemblées par deux cordelettes. C'est ce que représente ce
pictogramme qui
signifie précisément "volume", "registre",
"tome".
La
porte à un battant est figurée par son chambranle et les deux planches qui la
composent. On la reconnaît encore dans le caractère
même si la partie droite du chambranle s'est considérablement réduite et si
le trait horizontal supérieur s'est transformé en un point. Ce caractère
figure comme clé sémantique dans de nombreux idéopictogrammes.
La
porte à deux battants n'évoque-t-elle pas un portillon de saloon? On y trouve
même le détail du linteau. Dans sa graphie régulière
,
ce pictogramme a fait remonter les battants au plafond. Lui aussi est utilisé
comme clé sémantique.
Le
vêtement est remarquablement stylisédans ce jiaguwen
: n'y voit-on pas le croisement
des deux pans sur la poitrine et l'amorce des manches ? La transition s'est
faite tout doucement, à travers le jinwen
et le xiaozhuan
, jusqu'au gaishu . Ce pictogramme est
utilisé comme clé sémantique dans des idéophonogrammes
soit sous la forme à gauche
du caractère, soit en se divisant en deux, en haut et en bas du caractère. On
le trouve ainsi dans les caractères désignant la robe,
le for intérieur, "tenir
dans ses bras".
La
jarre est remarquablement dessinée avec sa large panse, son pied, ses deux
anses et un curieux système de bouchage. Cette forme ancienne nous permet de
mieux comprendre le caractère régulier
.
Le
char est représenté avec une précision inouïe. En haut, nous distinguons les
deux roues, les chevilles d'arrêt de ces roues, l'essieu et la nacelle. C'est
ce jiaguwen qui est à l'origine du caractère
régulier .
Les deux représentations du bas, pratiquement identiques, nous montrent en plus
le timon et la barre d'atelage. En revanche, la nacelle est absente. Un détail
revêt une très grande importance archéologique : chacune des roues est
montée sur un essieu différent, ce qui montre que ce n'était pas la roue qui
tournait sur un essieu fixe mais, comme sur nos automobiles, la roue était
solidaire de l'essieu. La séparation des deux essieux permettait aux roues de
tourner à des vitesses différentes dans les virages, ce qui réduisait les
risques de dérapage en augmentant l'adhérence au sol.
Retirons
ses roues à un char et faisons-le porter à quatre mains. Nous obtenons un
palanquin. Curieusement, celui-ci n'a qu'un seul brancard :
peut-être s'agit-il de cet ancêtre du palanquin où le siège est suspendu à
une perche ? Sous la forme jinwen
, la nacelle et sa
perche ressemblent au pictogramme du char. C'est pour cette raison que le char
apparaît dans le caractère
régulier .
Deux
bambous incurvés vers le haut pour former une proue. Tois traverses les
réunissant solidement. Un plancher de bambou non figuré sur ce pictogramme :
voici à quoi ressemblait une barque chinoise il y a près de 4.000 ans. Voici
ce à quoi elle ressemble encore aujourd'hui dans bien des pays d'Extrême
Orient ! Ce caractère désigne bien une embarcation.
L'étymologie de l'écriture chinoise nous apporte d'autres enseignements
d'ordre archéologique. Voyez comment était constitué un filet de pêche
: deux barres de bois entre lesquelles des cordelettes se croisaient en
diagonale. Plus tard, dans le caractère ,
on a jugé bon de préciser que ce caractère représente un objet de nature
textile en y adjoignant la clé sémantique de la soie. On retrouve le filet
dans "prendre au filet", "pêcher".
La
natte sur laquelle on s'étend pour dormir est de toute évidence tressée de
palmes. Ce pictogramme ancien n'a pas grand chose à voir avec sa forme actuelle
mais nous
l'avons noté car il est utilisé de façon fort intéressante dans un
idéogramme dont nous parlerons plus loin.
Dans
des royaumes chinois sans cesse en guerre les uns contre les autres, on ne
s'étonne pas que la hallebarde tienne une place importante dans la composition
des caractères. Grâce aux fouilles, on connaît l'aspect de celle-ci : sur une
hampe sont fixées deux couteaux de bronze, l'un dans le prolongement comme un
fer de lance, l'autre perpendiculairement. Les calligraphes sur bronze ont
curieusement tordu la hampe de l'arme dans le jinwen
qui annonce le caractère
régulier
.
On retrouvera ce pictogramme dans les caractères "militaire",
"pays", "moi",
"combattre".
Ceci est sans doute une palanque chargée de façon équilibrée aux deux
extrémités. A moins qu'il ne s'agisse d'une balance ? Quoi qu'il en soit, l'idée est
celle d'égalité. Les amis étant par définition des égaux, ce caractère signifie "ami", "égal".
Les graveurs sur bronze n'ont
guère modifié le caractère . En
revanche, les graveurs de sceaux
ont selon leur habitude enjolivé le trait horizontal et, pour faire bonne
mesure, ont ajouté des charges à la palanque : .
C'est cette variante qui est à l'origine du caractère régulier .
C'est donc de façon erroné que l'on interprète souvent ce caractère comme
représentant deux morceaux de viande, le partage de la
nourriture entre deux amis.
Ceci
est un cauri. Vous savez, ce très joli coquillage
que l'on vous vend dans les boutiques de souvenirs en Bretagne sous le nom de
"porcelaine". Débité en tranches (c'est en effet une coupe de cauri
qui est représentée), il a constitué la première
monnaie utilisée en Chine et, de ce fait, est un élément pictographique
toujours lié à l'argent et à la richesse. Utilisé seul, cependant, ce
pictogramme conserve son sens de coquillage. La forme jinwen
initie
une évolution vers le caractère .
Voir "obtenir", "trésor".
Voici deux
écheveaux de soie. Ce pictogramme
désigne donc la soie. Utilisé comme clé sémantique sous la forme ,
il indique la nature textile de l'objet ou une idée de délicatesse. Voir le
filet ci-dessus.
Restons dans
ce qui est précieux et noué. Cette cordelette nouée porte quatre objets
précieux, sans doute faits de jade, peut-être des bi (disques percés
au centre). C'est le jade. L'écriture sur bronze a simplifié ce
caractère sous la forme . Bien, mais
cela ressemble bien trop à l'idéopictogramme du roi
! Qu'à cela ne tienne, on a ajouté un point pour distinguer les deux
caractères et le jade s'écrit désormais .
Voir "trésor"
Cette
tablette est un autel. On se perd en conjecture sur le sens des deux,
parfois trois points souvent présents. Certains les interprètent comme le sang
des sacrifices. Toujours est-il que le tracé de ce jiaguwen
ou avec ces derniers,
qui sont devenus systématiques dans l'écriture sur bronze .
Le caractère régulier
ressemble
énormément aux caractères plus anciens. L'ennui, c'est que son sens a changé
: utilisé par homophonie pour dire "manifester", "montrer",
il n'a plus que ce dernier sens. Dans les idéophonogrammes cependant, sous la
forme régulière à gauche du
caractère, cet élément représente toujours un autel. Voir "regarder",
"invoquer".
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